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Communiqué: Arrêter Erdogan pendant qu’il en est encore temps (Octobre 30,2020)

 

Citation de la Semaine

“Les nuits sont enceintes et nul ne connaît le jour qui naîtra.”

Proverbe turc; La Turquie en proverbes (1905)

DAVOS / SWITZERLAND, 27JAN06 – Recep Tayyip Erdogan, Prime Minister of Turkey captured during the session ‘The New Comparative Advantages’ at the Annual Meeting 2006 of the World Economic Forum in Davos, Switzerland, January 27, 2006. (Source: Wikipedia)

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Une Cinquième Guerre ne Fera Aucun Bien à la Turquie

Burak Bekdil
Gatestone Institute , 11 octobre 2020

Comment Erdogan a fabriqué la crise des caricatures

Par SETH J. FRANTZMAN

JFORUM.FR, 27 OCTOBRE 2020

 

ISRAËL ET LA TURQUIE, LE POINT DE NON RETOUR ?

Frédérique Schillo,

CCLJ.be, Mardi 13 octobre 2020

Aperçu de l’actualité

 

 

 

 

Burak Bekdil
Gatestone Institute, October 11, 2020

Translation of the original text:  A Fifth War Won’t Do Turkey Any Good

  • Le 28 août, Metin Külünk, ancien député du parti d’Erdoğan, l’AKP (Parti de la justice et du développement), a rendu public une carte de la « Grande Turquie » qui illustre l’ampleur des ambitions révisionnistes de la Turquie. La carte inclut des régions de Grèce, de Bulgarie, de Chypre, de Syrie, d’Irak, de Géorgie et d’Arménie.
  • Tout à la fois provoquant et menaçant, le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, a conseillé à la Grèce de garder le silence « afin de ne pas devenir un mezze [un hors d’œuvre] pour des intérêts tiers ».
  • La cinquième guerre d’Erdoğan n’aura pas de vainqueur. Mais la Turquie d’Erdoğan pourrait bien en être le grand perdant.
 Les menaces en provenance de Turquie se sont démultipliées. Le président Recep Tayyip Erdoğan a récemment déclaré : « … la Turquie a le pouvoir politique, économique et militaire de déchirer les cartes et les traités immoraux que d’autres lui ont imposé. Si notre message ne passe pas avec les mots de la politique et de la diplomatie, alors de douloureuses expériences auront lieu sur le champ de bataille. … Il y a un siècle, nous les avons enterrés ou jetés à la mer … » Photo : Erdoğan s’exprimant à Ankara le 17 septembre 2020. (Photo par Adem Altan / AFP via Getty Images)

 

Au 20 e siècle, les Turcs et les Grecs, rivaux traditionnels de la mer Égée, se sont affrontés dans quatre guerres conventionnelles : la Première Guerre des Balkans (1912-1913) ; la Première Guerre mondiale (1914-1918) ; la Guerre Gréco-Turque (1919-1922) ; et la guerre de Chypre (1974). Ce n’est donc pas la première fois que les médias du monde entier troublent une période de paix en révélant au grand public que la mer Égée est au bord de la guerre. La « paix » en mer Égée a toujours oscillé de froide à très froide, à l’exception de brèves périodes de réchauffement. Turcs et Grecs vivent dans le voisinage l’un de l’autre, mais leurs maisons ont pour fondation une querelle séculaire sanglante.

Dans Midnight at the Pera Palace : The Birth of Modern Istanbul (Minuit à Pera Palace : la naissance du moderne Istamboul), Charles King, raconte les premières années de la période post-ottomane à Istanbul et les efforts de la jeune République de Turquie pour bâtir une nation turque :

« Les minorités non musulmanes d’Istanbul qui représentaient environ 56% de la population en 1900 sont passées à 35% à la fin des années 1920. Des baisses plus spectaculaires ont eu lieu dans d’autres villes. A Izmir, l’ancienne Smyrne, les non-musulmans qui représentaient 62% de la population sont tombés à 14% … Cette révolution démographique a bouleversé les vieux quartiers minoritaires d’Istanbul. Dans leur précipitation à partir, les Grecs, les Arméniens et les Juifs ont bradé le contenu de leurs maisons et appartements dans l’espoir d’en tirer un minimum avant d’embarquer ou de prendre le train …

« La fuite des minorités non musulmanes a rendu La Turquie plus musulmane et plus turque, mais aussi plus homogène et beaucoup plus rurale qu’elle ne l’avait jamais été. Les familles qui dominent aujourd’hui l’économie d’Istanbul sont celles qui ont su profiter … de l’évolution de la situation et qui ont su également transformer leurs relations politiques en avantage économique une fois que les entreprises contrôlées par les Grecs et les autres minorités ont été mises en vente. Les transactions n’ont rien eu de fondamentalement malhonnête, mais le transfert massif de richesse qui a eu lieu a été fondé sur la préférence de la république pour la pureté nationale au détriment du vieux cosmopolitisme de la capitale impériale. »

Après trois guerres au début du XXème siècle, c’est à Chypre que les tensions turco-grecques ont fini par exploser. Jusque dans les années 1950, Chypriotes turcs et grecs vivaient côte à côte et en paix. C’est ensuite que les deux populations ont commencé à se massacrer. En juillet 1974, les conflits ethniques ont conduit les Turcs à occuper militairement le tiers nord de l’île. Depuis, Chypre est divisée selon des critères ethniques.

En 1996, une querelle de souveraineté à propos d’un îlot du sud de la mer Égée a fini par dégénérer en conflit ouvert entre la Turquie et la Grèce. Une médiation américaine a évité l’usage des armes, mais qui aujourd’hui en Grèce ou en Turquie se souvient d’Imia (Kardak en turc), cet îlot inhabité d’environ 40 000 mètres carrés ?

Les tensions d’aujourd’hui concernent une zone qui va de la mer Égée à la Méditerranée orientale. Elles paraissent autrement plus sérieuses que le bras de fer adolescent de 1996 à propos d’un caillou en Méditerranée.

En août, le chef du Mossad, Yossi Cohen, a tapé juste quand il a déclaré que « la puissance iranienne est plus fragile et que la vraie menace vient de Turquie ». Les menaces en provenance de Turquie ont atteint un niveau sans précédent.

Dans un récent discours prononcé à Istanbul, le président islamiste Recep Tayyip Erdoğan, a donné un solide aperçu de son irrédentisme et du peu de cas qu’il fait du traité de Sèvres qui, en 1923 avec d’autres traités, a établi les frontières de la Turquie moderne :

« Ils finiront par comprendre que la Turquie a le pouvoir politique, économique et militaire de déchirer des cartes et les traités immoraux qui lui ont été imposés. S’ils ne veulent pas comprendre avec les mots de la politique et de la diplomatie, alors ils feront l’expérience douloureuse du champ de bataille … Il y a un siècle, nous les avons enterrés ou jetés à la mer. J’espère qu’ils n’auront pas à payer le même prix aujourd’hui. »

Robert Ellis, expert de la Turquie, a rappelé ce qu’Abdullatif Şener, autrefois allié d’Erdogan et aujourd’hui député de l’opposition, a déclaré il y a six ans : pour se maintenir au pouvoir, Erdoğan ira jusqu’à entraîner la Turquie dans une guerre civile.

Le 28 août, Metin Külünk, ancien député du Parti justice et développement d’Erdoğan, a publié une carte de la « Grande Turquie » qui donne une idée précise de l’ampleur des ambitions révisionnistes de la Turquie. Cette « grande Turquie » inclut des morceaux de Grèce, de Bulgarie, de Chypre, de Syrie, d’Irak, de Géorgie et d’Arménie.

Tout à la fois provoquant et menaçant, le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, a conseillé à la Grèce de se taire « afin de ne pas devenir un mezze [un hors d’oeuvre] pour des intérêts tiers ».

Toute cette rhétorique incendiaire a eu pour effet de faire passer des messages sur différentes longueurs d’onde, à l’ouest de la mer Égée. La Grèce a répondu par un renforcement de son arsenal militaire et ses troupes en vue d’un éventuel conflit ouvert avec la Turquie. Le 13 septembre, le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis a annoncé l’achat de 18 avions de combat Rafale de conception française pour remplacer ses vieux Mirage 2000. La Grèce a également fait l’acquisition de quatre hélicoptères de marine, de quatre nouvelles frégates et a entrepris la rénovation de quatre frégates plus anciennes. Mitsotakis a également déclaré que son gouvernement étendrait la durée de la conscription obligatoire de neuf mois à 12 mois.

Les nations occidentales savent qu’une guerre dans et autour de la mer Égée irait à l’encontre de leurs intérêts. Elles ont donc évité de se comporter comme si elles étaient indifférentes ou soumises aux menaces turques. Le 1er septembre, Washington a annoncé une levée partielle de l’embargo qui depuis 33 ans bloquait les ventes d’armes à la République (grecque) de Chypre ; mesure que la Turquie a immédiatement condamnée. Dans le même ordre d’idées, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo s’est rendu à Chypre le 12 septembre pour tenter de pacifier les tensions avec la Turquie dans l’est de la Méditerranée.

« Nous restons profondément préoccupés par les opérations de prospection d’hydrocarbures que la Turquie mène en Méditerranée orientale dans des zones ou la Grèce et Chypre affirment leur juridiction », a déclaré Pompeo à Nicosie. Au cours de sa visite, les gouvernements américain et chypriote ont signé un protocole d’accord qui a suscité une absurde protestation d’Ankara qui a allégué que cet accord pourrait nuire à la paix et à la stabilité en Méditerranée orientale.

Le conflit égéen et ses répercussions concerne également l’Union européenne. Le groupe MED7 des pays du sud de l’Europe qui s’est réuni le 10 septembre en France, a exprimé son plein soutien et sa solidarité à la Grèce et à Chypre face aux violations répétées de leurs droits souverains par la Turquie. Un Conseil européen se réunira les 24 et 25 septembre pour discuter de l’opportunité d’imposer des sanctions à la Turquie.

La Grèce bénéficie également du soutien de deux autres poids lourds de la Méditerranée, l’Égypte et Israël, ainsi que du soutien de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et de la Jordanie.

Erdoğan ne peut gagner cette cinquième guerre qu’à domicile. S’il renonce à un conflit, il aura évité une défaite militaire à la Turquie. Sa politique étrangère ferme, ses manières de durs et sa rhétorique type « je mets le monde entier au défi » peuvent lui apporter quelques votes de plus et une popularité supplémentaire. Mais si Erdoğan déclenchait une cinquième guerre, elle serait sans vainqueur. Et la Turquie d’Erdoğan en serait certainement le plus grand perdant.

Burak Bekdil, éminent journaliste turc, a été limogé du journal le plus célèbre de son pays, après 29 ans de bons et loyaux services, parce qu’il a écrit sur l’actualité turque pour Gatestone. Il est Fellow du Middle East Forum.

SOURCE PRIMAIRE————————————————————————-

Comment Erdogan a fabriqué la crise des caricatures
29 octobre 2020

Comment la Turquie a fabriqué une «  crise  » avec la France à propos de «  caricatures  »

La façon dont Ankara a inventé cette crise est similaire à d’autres crises fabriquées et lancées par le gouvernement d’extrême droite turc de Recep Tayyip Erdogan.

NDLR : Israël se souvient du Mavi Marmara, de Davos et de tant d’autres tragi-comédies de même acabit

Par SETH J. FRANTZMAN

27 OCTOBRE 2020 

PRÉSIDENT TURC Recep Tayyip Erdogan (crédit photo: REUTERS / MURAD SEZER)La Turquie a cherché à tirer parti d’une crise qu’Ankara a largement inventée avec la France pour augmenter son influence dans le monde islamique en dépeignant Ankara comme un «défenseur» de l’islam. La controverse fabriquée repose sur des affirmations selon lesquelles la France est «islamophobe» et que le président français Emmanuel Macron défend des caricatures offensantes pour les musulmans. La controverse sur les caricatures remonte à une demi-décennie et n’a surgi que parce qu’un jihadiste a assassiné un enseignant en France. Plutôt que de condamner le terroriste islamiste et le meurtre, le président et les médias turcs ont réussi à utiliser le meurtre pour frapper la France. Les dernières mesures prises par la Turquie comprennent la comparaison entre les musulmans d’Europe et les Juifs avant la Shoah et l’appel au boycott des produits français. Cette décision est coordonnée avec le Qatar et est également poussée par le régime iranien.

La façon dont Ankara a inventé cette crise est similaire à d’autres crises artificielles lancées par le gouvernement d’extrême droite turc de Recep Tayyip Erdogan et le soutien de son régime aux filières des Frères musulmans à travers le Moyen-Orient, comme le Hamas. Depuis l’année dernière, la Turquie a créé une nouvelle crise chaque mois, avec les États-Unis en Syrie en octobre 2019, puis avec la Libye puis l’Égypte, puis l’Europe, la Russie, le régime syrien, la Libye à nouveau, la Grèce, Chypre, l’Irak, puis l’Arménie, la Grèce encore une fois, puis avec la France. La Turquie a bombardé l’Irak, envahi et nettoyé ethniquement les Kurdes en Syrie, envahi la Libye, défié la marine française en mer, harcelé les F-16 grecs, utilisé le système de défense aérienne russe S-400 et poussé l’Azerbaïdjan dans une guerre avec l’Arménie, tout en envoyant des mercenaires syriens payés par Ankara pour combattre en Libye et en Azerbaïdjan et en utilisant des drones pour attaquer des militants kurdes en Syrie et en Irak, tout en affirmant que la Turquie combat le «terrorisme». La Turquie a accueilli le Hamas à deux reprises pour des réunions de haut niveau et a menacé de «libérer Al-Aqsa» à Jérusalem et a déclaré que «Jérusalem est à nous», en référence à la capitale d’Israël, tout en menaçant le candidat démocrate à la présidence américaine, Joe Biden et en dénigrant l’administration Trump de soutenir Israël.

Les origines des attaques contre la France remontent à novembre 2019, lorsque le dirigeant turc a condamné Macron comme étant «en état de mort cérébrale». Ses commentaires font partie d’un crescendo croissant directement lié aux commentaires du régime turc dénigrant l’Europe. En janvier, le ministre turc des Affaires étrangères a affirmé que l’Europe était pleine d ‘«enfants gâtés racistes» qui devraient «savoir quelle est leur place». Le 25 octobre, il a de nouveau déclaré que l’Europe était pleine de «racistes gâtés». Le même régime turc qui qualifie l’Europe de raciste a expulsé 60 des 65 maires du parti d’opposition HDP, ciblant des membres de la minorité kurde, et a systématiquement expulsé les Kurdes des zones occupées par la Turquie dans le nord de la Syrie. Ankara frappe aussi fréquemment les Juifs, en comparant Israël aux nazis dans un discours à l’ONU en septembre 2019 et en minimisant la Shoah, dans les commentaires de cette semaine, par lesquels la Turquie a affirmé que les musulmans sont les nouveaux Juifs d’Europe soumis à un «lynchage» similaire à celui vécu par les Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. La Turquie compare fréquemment les pays européens à l’Allemagne nazie, mais Ankara commémore rarement la véritable Shoah, réutilisant au lieu de cela la souffrance juive pour tirer parti de sa propre rhétorique récente contre Israël et l’Europe d’aujourd’hui.

La Turquie était de plus en plus en tension avec la France à cause de la Méditerranée orientale et la volonté de la France de dénoncer l’agression turque en Méditerranée, en Libye, en Arménie et en Irak. En juillet, un incident en mer a conduit la France à condamner la Turquie et à se plaindre à l’OTAN. La question était si délicate que l’OTAN n’a pas révélé les détails de l’enquête en septembre. Cependant, il semble que la Turquie a également utilisé le radar S-400 pour suivre les F-16 grecs membres de l’OTANen août, montrant qu’Ankara utilisait des systèmes d’armes russes contre l’OTAN. Ankara a utilisé le radar lors d’un exercice conjoint entre la France, l’Italie, la Grèce et Chypre. Le 12 septembre, la Turquie a menacé la France, en disant «ne jouez pas avec la Turquie», lors de menaces quasi quotidiennes d’Erdogan contre presque tous les pays du Moyen-Orient et d’Europe, à propos du Haut-Karabakh.

Cela a ouvert la voie à la prochaine crise préfabriquée. Début octobre, la Turquie a décidé de déplacer sa politique de crise visant à attaquer l’Arménie vers une nouvelle phase de harcèlement de la Grèce, avec la déclaration d’un nouvel exercice naval Navtex de sa marine près d’une île grecque. La France a condamné la Turquie pour avoir harcelé la Grèce, alliée dans l’OTAN, le 12 octobre. La direction d’Ankara a alors décidé de lancer une nouvelle crise avec la France suite aux commentaires de Macron sur les musulmans. Macron pense que la France est confrontée aux provocations des extrémistes islamistes et a condamné ce «séparatisme», alors qu’il défend les valeurs françaises de laïcité. La Turquie a critiqué la France le 5 octobre sur ces commentaires. Macron avait fait ces commentaires après une nouvelle attaque terroriste contre le magazine Charlie Hebdo qui avait publié en 2015 des caricatures jugées offensantes. Pendant ce temps, un professeur de français nommé Samuel Paty a été assassiné le 16 octobre

Les dirigeants de la Turquie se sont mis à fustiger l’enseignant et à attaquer la France pour «islamophobie», même si c’est l’enseignant qui a bien été la victime de l’extrémisme islamiste. Le président turc a déclaré que Macron avait besoin d’un «traitement mental» et la France a rappelé son ambassadeur le 25 octobre. La Turquie a mobilisé ses médias d’État TRT et d’autres médias tels qu’Anadolu pour attaquer la France, en coordination avec les médias qataris. Les médias iraniens ont également emboîté le pas, dénigrant la France pour ses «commentaires anti-islamiques». Après que la France a rappelé son ambassadeur, la Turquie a réalisé que la crise pouvait aider Ankara puisque la Turquie était sur le point d’annuler l’exercice Navtex, craignant des affrontements avec la Grèce. Pour créer une crise avec la France, et ainsi remplacer la crise grecque, la Turquie devait se présenter comme «défendant l’islam».

Le 26 octobre, le président turc a appelé au boycott des produits français. C’était une crise entièrement inventée. La France n’a rien fait à la Turquie et il n’y a eu aucun nouveau commentaire «anti-islamique» de la part de la France ni aucune action de Paris liée au soudain «boycott». La façon dont Ankara a coordonné la crise avec ses médias pro-gouvernementaux était claire par la façon dont le président turc a utilisé des thèmes similaires à ceux des commentateurs des médias. Le 24 octobre, Anadolu avait publié un article disant que «l’islamophobie remplace l’antisémitisme» en France. Le 26 octobre, le président turc a dit exactement la même chose, affirmant que les musulmans étaient traités en Europe de la même manière que les Juifs, durant la période de la Shoah. Les médias turcs sont presque tous pro-gouvernementaux et liés au parti au pouvoir en Turquie parce qu’Ankara a emprisonné le plus de journalistes au monde, faisant taire toute dissidence. Cela signifie que les articles de TRT ou d’Anadolu reflètent le récit publié par Ankara chaque matin, étroitement coordonné avec le Parti AK. Il n’y a aucune critique du leadership en Turquie dans les principaux médias-caniches Turcs, de sorte que toutes les crises avec des pays comme la France peuvent être systématiquement lancées du haut vers le bas. Dans ce cas, la Turquie a révélé son récit deux jours avant que le président ne publie cette histoire selon laquelle «les musulmans sont les nouveaux Juifs d’Europe».

L’Iran a suivi le discours de la Turquie en appelant les diplomates français à  une consultation. Des éléments médiatiques pro-turcs ont également poussé à des manifestations à travers le Moyen-Orient, essayant de transformer le boycott de la France en une cause «islamique» mondiale. Cela met de nombreux pays musulmans dans une position difficile, ne voulant pas défendre des caricatures considérées comme offensantes en France, mais se demandant pourquoi il s’agit d’une crise soudaine alors que la France n’a pas semblé faire quoi que ce soit ou changer récemment. La Turquie, le Qatar et l’Iran se sont coordonnés, faisant pression sur des pays allant de la Malaisie au Pakistan, du Koweït à la région du Kurdistan, beaucoup étant forcés de répondre d’une manière ou d’une autre à la «controverse» française. Même en Israël et en Cisjordanie, des groupes ont protesté contre la France (sous l’impulsion de la Turquie).

Ce n’est pas la première fois qu’une crise inventée émerge, dans laquelle on dit aux gens de se sentir «offensés» par des rumeurs. En 2012, une vidéo que personne n’avait vue au Moyen-Orient a été utilisée par des extrémistes comme excuse pour attaquer l’ambassade américaine au Caire et une annexe diplomatique américaine en Libye, tuant l’ambassadeur américain Chris Stevens. On sait maintenant que l’attaque était planifiée à l’avance et n’avait rien à voir avec une «vidéo insultante » largement inventée. Cependant, à l’instar des commentaires sur la «France anti-islamique», les détails réels sont moins importants que le résultat. La Turquie fait pression pour obtenir des réactions extrémistes, voire jihadistes à l’égard de la France, cherchant peut-être à montrer qu’Ankara peut déstabiliser l’Europe en activant sa machine médiatique, envoyant ainsi un message aux dirigeants européens qu’ils doivent obéir à Ankara ou faire face à la colère provoquées par des histoires inventées d ‘«insultes à l’islam» qui entraîneront des manifestations, des boycotts et peut-être de nouveaux attentats.

jpost.com

Adaptation : Marc Brzustowski

SOURCE PRIMAIRE

 

______________________________________________________________________________ISRAËL

ISRAËL ET LA TURQUIE, LE POINT DE NON RETOUR ?Frédérique Schillo
Mardi 13 octobre 2020 ,

Dans la guerre du gaz en Méditerranée, comme sur la question palestinienne ou Jérusalem, la Turquie d’Erdogan n’en finit pas de s’opposer à Israël. Une dispute irréparable pour les deux nations dont l’alliance a longtemps assuré la stabilité au Moyen-Orient ?

 « Nous prenons au sérieux toute action agressive en Méditerranée orientale, venant de tous les acteurs, y compris de la Turquie ». Ces mots prononcés le 13 août dernier par Benjamin Netanyahou ont fait l’effet d’un coup de tonnerre. Pour la première fois, Israël prenait officiellement position contre la Turquie dans la bataille qui l’oppose à la Grèce et Chypre sur le contrôle des eaux de la Méditerranée. Jusqu’alors, les Israéliens s’étaient soigneusement tenus à l’écart de ce conflit séculaire, que la découverte récente de gisements de gaz a ravivé. Mais difficile d’en rester à cette prudente réserve après la décision d’Ankara d’envoyer le 10 août dans les eaux grecques un navire de prospection sismique, l’Oruç Reis, escorté de bateaux de guerre. Face à la brusque montée des tensions, Israël a rappelé quel était son camp : celui des opposants à la Turquie d’Erdogan.

Une réconciliation contrariée ?

L’antagonisme entre Jérusalem et Ankara ne date pas d’hier. Excellentes, leurs relations se sont détériorées à partir de 2004 suite à la mort du cheikh Yassine, le chef spirituel du Hamas. Recep Erdogan, alors Premier ministre, dénonça un « terrorisme d’Etat », première d’une longue série d’insultes contre Israël, qu’il alla jusqu’à comparer aux nazis. Six ans plus tard, l’arraisonnement sanglant du Mavi Marmara devant Gaza les mena au bord de la rupture. La coopération s’est néanmoins poursuivie jusqu’à se normaliser en 2016 moyennant les excuses de Netanyahou et le versement de 20 millions de dollars aux familles des neuf victimes turques.

Paradoxalement, la crise actuelle surgit après plusieurs signes qui pouvaient augurer d’une réconciliation. Ce fut d’abord un tweet de la diplomatie israélienne, le 7 mai, proclamant « Nous sommes fiers de nos relations diplomatiques avec la Turquie ». Puis le 21 mai, le chargé d’affaires de l’Ambassade d’Israël en Turquie, Roy Gilad, publiait un article dans le journal turc Halimiz appelant à réinstaller les ambassadeurs et accélérer la coopération dans l’économie, l’énergie, le tourisme. Trois jours plus tard, un avion-cargo d’El-Al atterrissait à Istanbul ; le premier depuis une décennie.

Les deux pays auraient tout à gagner à se réconcilier. Stratégiquement, ils ont un ennemi commun : le Hezbollah, qui menace à la fois le nord d’Israël et la frontière turco-syrienne. Gilad a d’ailleurs souligné combien Israël « défie activement jour après jour les cibles militaires iraniennes en Syrie », lesquelles « ont joué un rôle dominant dans la bataille d’Idlib où plus de 50 soldats turcs ont perdu la vie ». Si des désaccords persistent dans la zone, notamment sur la question kurde, leur opposition au Hezbollah stimule sans doute les échanges entre le chef du Mossad Yossi Cohen et son homologue turc Hakar Fidan, qui se sont rencontrés au moins deux fois ces derniers mois.

Mais en plus d’un ennemi, Israël et la Turquie ont des intérêts communs : un commerce florissant (6 milliards de dollars en 2019), un allié de poids, les Etats-Unis (la Turquie est membre de l’OTAN), et du gaz en Méditerranée. A tel point que la société israélienne Delek, membre du consortium exploitant l’immense champ gazier Léviathan, imaginait un partenariat privilégié entre les deux pays. Parmi les projets, la construction d’un oléoduc sous-marin de 850 km devait transporter le gaz vers les côtes turques, avant de rejoindre l’Europe. Las, la crise latente avec Erdogan a poussé Israël vers l’Egypte et la Jordanie, ses principaux clients, et vers la Grèce et Chypre, avec lesquelles il construit EastMed, un gazoduc long de 1.872 kilomètres qui acheminera le gaz en Europe orientale. Depuis, Erdogan fait tout pour concurrencer EastMed, jusqu’à s’engager dans le conflit libyen. Son accord avec le gouvernement de Fayez el-Sarraj fixe en effet leur frontière maritime au large de Chypre, où Ankara mène aujourd’hui ses forages illégaux. Les provocations turques face aux îles grecques ont le même objectif : pousser Athènes à renégocier la zone économique exclusive en mer Egée, dont il faut bien dire qu’elle lèse la Turquie. En attendant, celle-ci est isolée. Le 22 septembre dernier, Israël a intégré le Forum du Gaz de la Méditerranée orientale, rejoignant Chypre, la Grèce, l’Italie, l’Egypte, la Jordanie et la Palestine.

Aculée, la Turquie a besoin d’Israël, lequel serait allégé d’un poids si Erdogan abandonnait sa posture belliqueuse pour une politique plus pragmatique en Méditerranée. Mais en est-il capable ? « Si l’Autorité palestinienne figure dans le Forum avec Israël, la Turquie le peut aussi ! », assurait cet été le chercheur israélien Nimrod Goren lors d’une conférence organisée par le Middle East Institute.

Fuite en avant d’Erdogan

Tant de coups ont été lâchés, tant de mots aussi, que l’antagonisme semble « irréparable » avec la Turquie d’Erdogan nous explique Alon Liel, ancien directeur du ministère israélien des Affaires étrangères qui fut ambassadeur à Ankara. D’autant que son différend avec Israël n’est pas que politique, il est profondément idéologique. Depuis quelques années, le président turc se pose avant tout en leader des Frères musulmans, tournant le dos à la tradition laïque de la Turquie kémaliste. Après avoir ré-islamisé Sainte Sophie, il ne cache plus ses ambitions sur Jérusalem [voir encadré]. De même, la lutte d’influence qu’il a engagée face à l’Iran, et au sein même de l’Islam sunnite face à l’Arabie saoudite, gardienne des Lieux saints, et à l’Egypte du maréchal Sissi, coupable à ses yeux d’avoir renversé Morsi, oriente sa politique étrangère. Elle le détourne d’Israël, lui fait préférer les terroristes du Hamas, auxquels il vient d’accorder la citoyenneté turque, et l’isole avec le Qatar dans le monde arabe. Autant dire qu’il est vent debout contre la normalisation entre Israël, le Bahreïn et les Emirats arabes unis, accusés de « trahir la cause palestinienne ».

Pour couronner le tout, Erdogan s’est donné pour mission de redonner à l’ancienne puissance turque sa grandeur. Ce « néo-ottomanisme » l’amène à déployer des troupes en Syrie, Irak, Libye, et jusqu’en Somalie, d’où il entend rayonner sur la corne de l’Afrique. La passion identitaire n’évite pas les contresens historiques, comme lorsque le « nouveau sultan » exalte l’antique « patrie bleue », oubliant que les Ottomans n’avaient qu’une faible conscience méditerranéenne. Ici encore, peu importe le sens, pourvu qu’on ait un adversaire à désigner. Et Netanyahou, qu’il exècre – les deux hommes se sont parlé deux ou trois fois au téléphone, et encore sur demande des Américains – se retrouve systématiquement dans le camp adverse. Seule consolation pour Israël, la dérive islamo-nationaliste d’Erdogan et ses rodomontades sur la scène internationale trahissent une faiblesse interne : la grave crise politique et économique qui frappe la Turquie, et dont il tente de divertir l’opinion.

Basculement géopolitique

Aussi faut-il déjà « penser à l’après Erdogan », nous confie Chalom Schirman, ancien diplomate et responsable du MBA international à l’université de Haïfa. La guerre du gaz n’est pour lui qu’un prétexte de plus pour tenter d’imposer son leadership dans une région bouleversée par le retrait des Américains. Ces derniers misent sur un axe Egypte-Israël-Arabie saoudite au Moyen-Orient, mais historiquement, rappelle le professeur Schirman, la stabilité était assurée par l’Iran du Shah, la Turquie d’avant Erdogan et Israël. « A long terme, entre 10 et 20 ans, il y aura un déclin de la demande d’hydrocarbures et une fois qu’Erdogan sera parti, ses successeurs auront une autre politique étrangère vis-à-vis de l’Europe, de la Russie et d’Israël ».

En attendant, Israël opère un changement majeur en s’ouvrant d’une part aux pays du Golfe et de l’autre en contournant la Turquie pour se tourner, le long d’EastMed, vers les Balkans. « Israël se considère aujourd’hui comme un pays d’Europe de l’Est », nous explique Alon Liel. « Les vrais amis d’Israël sont la Pologne, la Tchéquie, la Hongrie, la Grèce, Chypre, la Bulgarie et la Roumanie, qui bloquent les activités anti-israéliennes au sein de l’Union européenne » Un basculement géopolitique dont la guerre du gaz aura la première dessiné les contours.

 

Sur Jérusalem, beaucoup d’esbroufe

Dans la pensée islamo-nationaliste d’Erdogan, Jérusalem/Al-Quds occupe depuis toujours une place de choix. La Turquie y encourage les activités religieuses et subventionne à grands frais les associations culturelles et autres groupes d’entraide via des ONG, voire le gouvernement lui-même à travers l’Agence turque de coopération et de développement (TIKA). Entre autres activités, celle-ci vient de rénover un café-restaurant de la Vieille Ville, dont les murs se couvrent des portraits d’Erdogan et du sultan Abdul Hamid II, resté célèbre pour avoir lancé les premiers massacres d’Arméniens entre 1894 et 1896. Une double provocation à quelques mètres du Kotel et non loin du quartier arménien, toujours hanté par la mémoire du génocide.

Le « nouveau sultan » affiche désormais sa folle ambition de « délivrer » Jérusalem des « griffes sanguinaires d’Israël ». Mais ce discours est tout juste bon à galvaniser les foules pour les détourner des vrais problèmes en Turquie. Non seulement Israël n’entend rien accorder à Erdogan à Jérusalem, mais sa propagande lui vaut les pires critiques de la Oumma. Sa décision de convertir Sainte-Sophie en mosquée est « une falsification de l’Histoire », soutient l’ancien chef de la diplomatie libanaise Gebran Bassil, « et une excuse pour qu’Israël transforme al-Aqsa en temple de Salomon ! »

Enfin, c’est dans la Ville sainte que la posture d’Erdogan comme champion de la cause palestinienne trouve ses limites : depuis deux ans, la Turquie n’a plus de Consul général à Jérusalem-Est.

SOURCE PRIMAIRE
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Aperçu de l’actualité

Le nouveau responsable Covid en Israël, Nachman Ash, ex-médecin chef de Tsahal

Times of Israel, 27 Octobre 2020
Un ancien médecin en chef de l’armée israélienne, qui a également été directeur d’une importante organisation de santé, remplacera Ronni Gamzu en tant que responsable de la lutte contre le coronavirus, ont déclaré mardi le bureau du Premier ministre et le ministre de la Santé dans un communiqué commun.

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Disparition du dernier des « vendeurs de cigarettes » du ghetto de Varsovie

Shraga Blum
LPH.INFO, October 27, 2020
Bentzion Hadar zl, nicknamed “Bolush” passed away on Monday at the age of 84 at Hille Yaffeh hospital in Hadera. He was the youngest and the last survivor of the gang of young orphans who had made themselves known in the Warsaw ghetto by going to sell cigarettes and newspapers in the Three Crosses Square in the Aryan part of the ghetto in order to survive. . He was only 6 years old at the time. From his early childhood, his sister already took him out of the ghetto through the sewer canals to bring back some bread for the family. For that, he sang under the balconies of Poles who in return threw him a little food.

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