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Extrait de Sept années à Jérusalem pp. 141-142 (Julien Bauer, 2012, Éditions du Marais)

J’avais eu une idée de cette attitude, lors de mon premier Pessah à Jérusalem en 1965. J’avais été invité par l’aumônier militaire de Mahanei Shneller, base militaire à l’intérieur de Jérusalem, dans le quartier ultrareligieux de Geoulah, à assister à la soirée de Séder. Presque tous les soldats, hommes et femmes, avaient obtenu permissions. Pour ceux qui devaient rester au camp, l’aumônier avait préparé le Séder. La soirée était organisée pour les soldats, mais également pour les familles : parents, frères et sœurs. Dans un grand hall, des tables avaient été préparées. Devant chaque convive se trouvait un plateau avec les symboles requis : pain azyme, vin, laitue, raifort, œuf, pâte brune rappelant les briques que les esclaves fabriquaient en Égypte… L’aumônier commença la lecture du texte. Certains suivaient attentivement, d’autres chahutaient en attentant le repas. Le colonel présent a intimé l’ordre aux perturbateurs de se taire. J’ai entendu l’aumônier lui dire mezza voce : «  Laissez-les tranquilles. Ils vont célébrer à leur façon ! » Quelques instants plus tard, quand on est arrivé au texte Ma Nichtana, en quoi cette nuit est-elle différente des autres nuits classiques de la littérature juive dont tous les enfants connaissent la mélodie, la prédiction s’est révélée exacte. Tous les soldats et toutes les soldates, y compris les plus désabusés, ont commencé à chanter et s’en sont donnés à cœur joie. À partir de ce moment, plutôt que de lire lui-même le texte, l’aumônier a choisi de le faire lire, à tour de rôle, par tous les participants. L’atmosphère dans le hall était extraordinaire, aussi bien les parents les plus religieux que les soldats les plus irréligieux se sont trouvés sur la même longueur d’onde, lisant, assez rapidement, certains passages, chantant à n’en plus finir d’autres. Le Séder, pour des raisons de sécurité, s’est terminé relativement tôt, plus tôt que dans les familles. Pour rentrer chez moi, j’ai traversé une bonne partie de Jérusalem de l’époque. Comme il faisait chaud, les fenêtres étaient ouvertes et de toutes les maisons, j’ai entendu soit le bruit des conversations de gens attablés autour d’un bon repas, soit les chants d’après le repas. Jérusalem était en train de célébrer Pâque.

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