Les Tensions se Poursuivront Entre Israël et le Hezbollah Malgré le Répit
AVI ISSACHAROFF
Times of Israel, 2 septembre 2019
L’escalade de la violence dans le secteur nord d’Israël a pris fin et toutes les parties concernées peuvent en ressortir satisfaites.
Le Hezbollah avait juré de se venger contre Israël après l’opération menée dans le quartier de Dahiya à Beyrouth la semaine dernière, et la mort de deux de ses agents qui préparaient une attaque au drone contre Israël.
Le dirigeant du Hezbollah, Hassan Nasrallah a donc tenu parole.
Le groupe terroriste chiite libanais va probablement passer les prochains jours à vanter son « opération héroïque » sur toutes les plates-formes possibles et imaginables, en prétendant sans nul doute que des soldats israéliens ont vraiment été blessés dans l’attaque.
« La promesse a été tenue », pour reprendre l’expression de Nasrallah lors de la seconde guerre du Liban en 2006.
Peu de temps après les tirs de missiles, le Hezbollah a annoncé qu’en ce qui concerne l’organisation, l’incident était clos et que « la balle est maintenant dans le camp d’Israël ».
Israël peut également se montrer satisfait du résultat. Aucun soldat israélien n’a été blessé lors de cet incident, qui n’a causé que des dégâts matériels, de sorte que finalement, les opérations complexes qui ont eu lieu presque simultanément à Akraba, au sud de Damas, et à Dahiya à Beyrouth – dont les détails restent pour le moment largement confidentiels – n’ont pas provoqué une réaction trop énergique du Hezbollah.
La cible spécifique qu’Israël cherchait à détruire, selon certaines publications, a été neutralisée, et même Nasrallah, malgré toute sa rhétorique belliqueuse et ses menaces, a prouvé qu’il n’était pas pressé de plonger le Liban dans une autre guerre.
Ainsi, après environ une heure de tirs d’artillerie israéliens menées sur des cibles indéterminées, qui n’ont fait aucune victime du côté libanais de la frontière, l’armée israélienne a, elle aussi, annoncé la fin de cet épisode.
On ne peut ignorer les dimensions politiques des récents événements.
Le Premier ministre libanais Saad Hariri s’est empressé de rapporter à ses amis au Liban comment il a contacté plusieurs pays européens pour leur demander de faire cesser « l’escalade israélienne ». Hariri tente toujours d’apparaître comme la voix saine d’esprit au Liban et comme celle dont le gouvernement tente de diriger un État normal.
Nasrallah, qui a acquis des points politiques considérables du fait de l’incident auprès de ses partisans chiites, lui emboîte le pas.
Et puis, il y a le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a pris le temps, malgré son emploi du temps chargé (actuellement consacré à vilipender les médias, l’honnêteté de Keshet et le journaliste judiciaire Guy Peleg, de la Douzième chaîne, pour parler d’une des questions clés concernant l’État d’Israël, – sa sécurité.
Il est difficile de croire que notre Premier ministre, qui jouit de l’image de « M. Sécurité » et qui gère avec succès l’escalade sécuritaire dans le secteur nord, aurait même à se soucier d’un journaliste de la Douzième chaîne ou de l’excellente série « Our Boys » sur HBO et les présenter comme les ennemis de l’État.
Maintenant que tout le monde est content, la question la plus difficile doit être posée : quelle est la prochaine étape ?
Il est clair que le Hezbollah et ses mécènes iraniens ne cesseront pas leurs efforts pour la production d’un large éventail de roquettes et de missiles de précision. L’organisation et ses patrons à Téhéran ne ménagent aucun effort pour mener à bien ce projet, d’une manière ou d’une autre.
On peut également supposer qu’à l’avenir, le Hezbollah s’efforcera de maintenir un niveau de cloisonnement encore plus élevé dans ses rangs en ce qui concerne le fameux projet de missiles de précision, rendant beaucoup plus difficile l’exécution d’une opération militaire clandestine et sophistiquée comme celle qui a été menée la semaine dernière.
Cela signifie qu’Israël devra peut-être organiser une frappe de plus grande ampleur, c’est-à-dire une frappe aérienne non chirurgicale, dont le coût est évident.
En fin de compte, si les deux parties ont annoncé que l’escarmouche actuelle s’est terminée et que les choses peuvent revenir à la « normale », les tensions à la frontière israélo-libanaise ne vont pas pour autant s’atténuer.
Les Iraniens ne renonceront pas à leur objectif et Israël ne cessera pas de tenter de les arrêter, ce qui signifie que les événements de dimanche après-midi ne sont qu’une autre étape du long et insupportable chemin que sont les relations entre Israël et le Hezbollah.
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Aux Frontières d’Israël, la Rivalité des Drones
L’Obs, 1e septembre 2019
Jérusalem (AFP) – Avant-gardiste dans l’usage des avions militaires sans pilote, Israël voit aujourd’hui sa supériorité technologique défiée par l’Iran et ses alliés du Hezbollah libanais, qui développent eux aussi des drones à usage militaire.
La dernière semaine a été révélatrice de ce complexe billard céleste.
Israël a bombardé le 24 août un village syrien, affirmant vouloir “contrer” une attaque au drone “kamikaze” iranien. Le lendemain, deux drones, israéliens selon le Liban, sont tombés dans la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah; puis, le 28 août, l’armée libanaise a tiré sur des drones israéliens survolant le Liban.
En Irak, enfin, une force paramilitaire comptant de nombreux groupes armés pro-iraniens a accusé en août Israël d’une attaque au drone contre une de ses bases.
Israël n’a pas revendiqué la paternité des drones tombés à Beyrouth, mais a soutenu que le Hezbollah tentait de confectionner des missiles de précision dans ces quartiers, des allégations qui pourraient avoir été établies justement grâce à des drones de surveillance.
L’Etat hébreu balaie depuis fort longtemps l’espace aérien de son voisin pour siphonner des informations. Dès 1982, lors de son intervention en pleine guerre du Liban, Israël disposait d’une technologie relevant de la science-fiction pour nombre de combattants au sol: un drone d’espionnage.
Dans les années 1970, après la guerre de Yom Kippour, Israël a commencé à plancher sur des drones de surveillance.
Lors de “la Première guerre du Liban, en 1982, le système était opérationnel. C’était un système de renseignement en temps réel (…) par caméra”, explique à l’AFP le Franco-Israélien David Harari, qui pilotait ce projet aux Industries aérospatiales israéliennes et est considéré comme le “père du drone israélien”.
Progressivement, ces drones ont intégré des caméras à infrarouge, des “désignateurs” lasers permettant d’identifier des cibles précises, puis des systèmes de “renseignements électromagnétiques” avec des micros et des radars, résume-t-il.
“Des militaires avaient reçu l’ordre d’utiliser ça mais ils exprimaient un peu de dérision: +qu’est-ce qu’on va faire avec un petit avion comme ça+”, se souvient-il.
Après 1982, les choses ont changé. “Israël a été le premier pays à créer un programme national d’introduction d’un tel système dans la doctrine militaire”, souligne M. Harari.
– Drone “nation” –
Le drone s’est progressivement imposé au coeur du dispositif de l’armée et de la “start-up nation” israélienne.
Aujourd’hui, une cinquantaine de “start-up” locales planchent sur des prototypes de drones, selon le ministère de l’Economie, qui chiffre en milliards les retombées pour le pays.
De 2005 à 2013, Israël était ainsi le premier exportateur mondial de drones, selon une étude d’un cabinet spécialisé.
Mais cette industrie évolue à vitesse grand V avec la miniaturisation, la commercialisation d’appareils récréatifs à faibles coûts et l’essor de nouveaux acteurs comme la Chine, la Russie et l’Iran, dans un secteur encore récemment quasi monopolisé par Israël et les Etats-Unis.
“Aujourd’hui tout le monde est dans ce business”, note Uzi Rubin, ancien ténor des systèmes antimissiles au ministère de la Défense et aujourd’hui analyste à l’Institut de Jérusalem pour la stratégie et la sécurité (JISS).
Désormais, des groupes armés peuvent fixer des charges explosives sur des drones pour commettre des attaques sur des installations stratégiques ou des bases militaires.
“C’est une menace pour toutes les armées et c’est pourquoi tout le monde cherche des solutions et ces solutions consistent à détruire ou intercepter ces appareils”, dit M. Rubin à l’AFP.
– Antidrone –
Des sociétés israéliennes comme Skylock et Elbit développent actuellement des technologies permettant de prendre contrôle à distance de drones sans les endommager pour récupérer leurs données.
En octobre 2012, un drone de surveillance iranien envoyé par le Hezbollah avait survolé la Méditerranée pour voler 30 minutes au-dessus du désert du Néguev, où se trouvent les installations nucléaires israéliennes, avant d’être abattu.
Et l’an dernier, Israël avait accusé l’Iran d’avoir fait voler un de ses drones dans son espace aérien.
L’essor des drones en Iran permet à son allié libanais du Hezbollah de se doter de nouvelles capacités aériennes de renseignement et d’attaques, notait récemment la chercheuse israélienne Liran Antebi.
La guerre opposant Israël et Hezbollah en 2006 avait été la “première de l’histoire” où le nombre d’heures de vol des appareils sans pilote était “supérieur” à celui des avions avec pilotes, selon une étude de l’université de Tel-Aviv. Mais, à l’époque, les drones étaient essentiellement israéliens.
Aujourd’hui, la supériorité technologique d’Israël demeure, mais le “Hezbollah devient de plus en plus une organisation militaire équipée de systèmes de pointe incluant des drones militaires et commerciaux”, écrit Mme Antebi.
A sa flotte de drones, le Hezbollah ajoute peut-être des systèmes antidrones. “Chaque fois que les drones israéliens entreront dans l’espace aérien du Liban, nous chercherons à les abattre”, a dit son chef Hassan Nasrallah cette semaine.
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“L’homme dans son bunker à Beyrouth sait très bien pourquoi il reste dans son bunker” (Netanyahou)
i24 NEWS,02 Septembre 2019
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou est revenu lundi sur les incidents à la frontière qui ont eu lieu la veille entre Israël et le groupe terroriste libanais Hezbollah, narguant son chef, Hassan Nasrallah, en expliquant qu’il avait toutes les raisons de continuer à vivre dans son bunker.
“L’homme dans son bunker à Beyrouth sait exactement pourquoi il est dans son bunker”, a déclaré Netanyahou.
Depuis plusieurs années, des sources affirment que Nasrallah vit caché dans un bunker au Liban, de peur d’être visé par l’armée israélienne.
“Hier, nous avons agi avec détermination et responsabilité. Nous avons veillé à la sécurité de nos citoyens et à la paix de nos soldats (…) Nous continuerons de faire tout ce qui est nécessaire pour assurer la sécurité d’Israël – en mer, sur terre et dans les airs – et nous continuerons à œuvrer contre la menace des missiles de précision”, a-t-il ajouté.
Par ailleurs, un haut responsable de la défense israélienne a révélé que les incidents d’hier ont pris fin rapidement parce que Nasrallah a demandé à Israël de ne pas intensifier les combats.
Nasrallah a envoyé un message par le biais d’interlocuteurs, dont le Premier ministre libanais Saad Hariri et des responsables français, égyptiens et américains, indiquant que “du point de vue du Hezbollah, l’événement était terminé”, selon la source israélienne.
Israël a annoncé dimanche que des tirs de missiles antichars du Hezbollah avaient frappé le secteur d’Avivim, dans le nord. Ces tirs ont entraîné en représailles des frappes israéliennes sur le sud du Liban.
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