Amérique, Islam et démocratie :
l’impossible entente
Zvi Mazel
Le CAPE de Jérusalem, 5 novembre 2013
« Je suis effrayé par l’évolution foudroyante de l’Islamisme européen en moins de dix ans », a récemment déclaré l’écrivain algérien libéral Boualem Sansal à un journal belge. Non seulement les pays européens ne cherchent même plus à se défendre mais « les ‘pays d’origine’ font tout pour contrebalancer une intégration réussie. Ils craignent que si les communautés maghrébines se francisent ou se belgicisent elles ‘pervertiront’ leur culture. La percée de l’Islam aux Etats Unis et en Europe s’accentue ; les mouvements djihadistes cherchent à imposer par la force la loi d’Allah dans le monde. Le président américain poursuit pourtant sa politique d’apaisement vis-à-vis de l’Islam en dépit de ses échecs répétés.
Sur le terrain des groupes extrémistes islamiques utilisent leurs sites internet pour influencer les jeunes et les convaincre de se lancer dans des opérations terroristes. L’Arabie saoudite et les Emirats du Golfe financent directement ou à travers de riches hommes d’affaires la construction de mosquées et de centres islamiques à travers l’Europe. Aux Etats-Unis, où se trouvent beaucoup moins de musulmans, l’effort des organisations musulmanes n’en est pas moins puissant. Des centaines d’organisations se démènent pour radicaliser les communautés musulmanes ; elles déploient une politique d’intimidation contre les critiques de l’islam qu’elles accusent d’« islamophobie ».
Divers documents saisis aux Etats-Unis et en Europe dans le cadre d’enquêtes sur des transferts de fonds illégaux à des organisations islamistes extrémistes mettent en lumière la stratégie des Frères musulmans et apportent la preuve irréfutable de leur volonté de saper de l’intérieur les pays occidentaux pour en prendre le contrôle. Selon ces documents, il faut tirer partie des valeurs démocratiques pour bloquer toute tentative d’exposer tant dans la presse que sur les campus universitaire les méthodes de la Confrérie. Parallèlement, cette dernière s’emploie à introduire ses membres à des postes clé du pouvoir. Une liste de hauts fonctionnaires occupant des postes dans les organes les plus sensibles de l’administration américaine a récemment été publiée sur des sites internet aux Etats-unis. Il y des écoles islamiques aux Etats-Unis et elles acceptent des étudiants non-musulmans qui sont alors soumis à leur prosélytisme. Par ailleurs, à Manhattan une école primaire vient d’annoncer que l’enseignement de l’arabe serait obligatoire à partir du prochain semestre.
Nous assistons à une véritable renaissance de l’Islam dans le monde. Paradoxalement, c’est dans l’échec de la modernisation dans les pays arabes et la frustration que cet échec provoque qu’il faut en chercher la cause. La jeunesse musulmane apprend dès le plus jeune âge la supériorité de l’Islam, dernière religion révélée et la seule véritable ; on lui répète que de l’espace aux océans l’univers doit devenir islamique. Arrivant à l’âge adulte, les jeunes découvrent qu’ils vivent dans un monde de pauvreté où société et science sont loin derrière l’Occident. Là est sans doute la clé de la fascination exercée par des organisations telles qu’Al-Qaïda qui proclament que pour restaurer la gloire de l’Islam il faut retourner à la charia telle qu’elle était pratiquée du temps du Prophète.
Le président Obama a choisi de ne pas tenir compte de l’ampleur de cette tendance mondiale qui a de profondes racines religieuses, politiques, économiques et même psychologiques. Il a entrepris dès son entrée en fonction une politique d’apaisement vis-à-vis de l’Islam. Il ne s’en départit pas malgré ses échecs répétés comme le démontrent ses efforts pour trouver un terrain d’entente avec l’Iran sur la question du programme nucléaire de ce pays. Lors de son discours inaugural en 2009, il a souligné la contribution de l’Islam au développement des Etats-Unis avant de mentionner celle du judaïsme. Quelques mois plus tard, il s’est rendu à Ankara et au Caire pour exposer sa vision aux pays musulmans. « Je suis venu ici au Caire chercher un nouveau début entre les Etats-Unis et les musulmans du monde entier, qui se fonde sur un intérêt et un respect mutuels ; qui se fonde sur le fait que l’Amérique et l’islam ne sont pas exclusifs l’un de l’autre et ne sont pas voués à se faire concurrence. Au lieu de cela, ils se recoupent et partagent des principes communs : justice et progrès ; tolérance et dignité de tous les êtres humains. »
Le problème est qu’aucun musulman ne partage cette opinion. Démocratie et Islam ne sont pas compatibles et les beaux discours n’y font rien. La démocratie repose sur des élections libres à un parlement où des hommes et des femmes font des lois ; selon la charia seul Allah donne les lois et il est défendu d’avoir des partis politiques sollicitant le vote du peuple. La Confrérie des Frères musulmans n’a jamais cherché à fonder un parti avant la chute de Moubarak ; elle ne s’y est décidée que quand elle a compris qu’il y avait là une chance d’obtenir le pouvoir démocratiquement. D’ailleurs, Al-Qaïda s’est empressée de condamner cette décision au nom de la « pureté de l’Islam ». En Arabie saoudite et au Qatar, pays gouvernés sur la base de la charia, il n’y a pas de parlement mais un conseil consultatif islamique dont les membres sont nommés par le roi ou l’émir. On trouve bien des parlements dans les pays arabes qui ont connu des coups d’Etat militaires, mais ils ne sont là que pour donner l’apparence de la démocratie. Le « Printemps arabe » au nom si trompeur a mis fin à de telles dictatures, mais les élections qui se sont tenues en Tunisie et en Egypte ont porté au pouvoir les Frères musulmans.
La politique d’apaisement du président américain s’est doublée d’un changement sémantique. Des expressions telles que « Islam radical », « militants islamistes » ou « terreur djhadiste » ont été bannies en 2010. John Brennan, qui était alors chargé du combat contre le terrorisme a la Maison Blanche et est aujourd’hui directeur de la CIA, a déclaré qu’il ne fallait plus qualifier les ennemis des Etats-Unis de Djihadistes ou d’Islamistes car selon lui « le Djihad est un combat sacré, un effort de purification dans un but légitime. » Les manuels des services de renseignement et de contre-terrorisme ont été amendés pour tenir compte des nouvelles directives. Inutile de dire que pour leur part les organisations terroristes ont continué à clamer haut et fort qu’elles se battaient au nom de l’Islam.
Obama a alors annoncé son intention d’entamer un dialogue avec les Talibans d’Afghanistan, probablement la plus extrémiste des organisations djihadistes. Il s’agit d’un mouvement qui a ruiné le pays, détruisant au passage les célèbres statues de Bouddha, toute représentation de la personne humaine étant proscrite par la charia. Cet appel au dialogue a été généralement interprété comme une marque de faiblesse ; c’est ainsi que le président afghan l’a compris. Il était perdu d’avance bien que le Qatar ait accepté de laisser les Talibans ouvrir un bureau à Doha (ils ne sont pas venus.)….
Chypre rejoint le Moyen-Orient
Daniel Pipes
The Washington Times, 6 novembre 2013
Adaptation française: Johan Bourlard
La République de Chypre est entrée dans le tourbillon de la région la plus explosive du monde depuis la découverte récente de réserves de gaz et de pétrole à laquelle s'ajoutent la politique étrangère erratique de la Turquie et la guerre civile en Syrie. Même s'ils sont en mesure de gérer ces nouvelles menaces et perspectives, les dirigeants de cette île de la Méditerranée ont besoin du soutien d'une force navale américaine forte, chose actuellement impossible.
La découverte de gisements sous-marins de gaz et de pétrole suit de peu celle réalisée non loin de là par les mêmes compagnies américaine (Noble) et israéliennes (Delek, Avner) dans les eaux territoriales d'Israël. Le gisement de gaz est actuellement estimé à plus de 1500 milliards de m3. Quant au pétrole, sa valeur équivaudrait à 800 milliards de dollars, une somme gigantesque pour un petit pays dont le PIB actuel atteint seulement 24 milliards de dollars.
Cette énergie sera probablement en grande partie exportée vers la Turquie et l'Europe. Un pipeline vers la Turquie serait l'option la moins coûteuse et la plus facile mais tant que des troupes turques occuperont 36 pourcent de l'île de Chypre, cela ne se fera pas. Dernièrement, une décision de justice permettant au gouvernement israélien de décider des quantités d'énergie exportées, a ouvert de nouvelles perspectives : Chypre pourrait échanger avec Israël du gaz qui transiterait alors vers la Turquie ; les deux alliés pourraient également construire ensemble un terminal de gaz naturel liquéfié à Chypre.
Les bassins du Delta du Nil et du Levant renferment ensemble une quantité de gaz naturel estimée à 105 mille milliards de m3 et l'équivalent de 3,44 milliards de barils de pétrole.
Cette découverte de nouveaux gisements permettrait soit de résoudre soit d'envenimer le problème chypriote. Le gouvernement chypriote a judicieusement délimité ses frontières maritimes avec l'Égypte en 2003, le Liban en 2007 et Israël en 2010. Le pays a signé des contrats pour de nouvelles explorations avec le Français Total, l'Italien Eni, et le Sud-Coréen Kogas. Toutefois la Turquie énergivore menace ce trésor en voulant que son État fantoche de Chypre du Nord reçoive une partie des revenus générés par les nouveaux gisements et en suscitant la crainte que, après l'invasion de l'île par la Turquie en 1974, son Premier ministre versatile et malveillant, Recep Tayyip Erdoğan, envahisse le territoire de la république.
Erdoğan et le ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoğlu ont mené une politique étrangère ambitieuse visant à n'avoir « aucun problème avec les pays voisins », une politique qui, paradoxalement, a conduit la Turquie à n'avoir aucun ami. Les relations tendues avec la Géorgie, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, l'Iran, l'Irak, la Syrie, Israël, l'Autorité palestinienne, l'Arabie saoudite, l'Égypte et la Serbie laissent présager un retour d'Ankara à d'anciennes habitudes à savoir fustiger Chypre et la Grèce. En tous les cas, cela pourrait provoquer des flux de réfugiés perturbateurs.
C'est ici qu'il faut parler de la guerre civile brutale en cours en Syrie, à 110 km de là. Jusqu'à présent le conflit n'a pas eu d'impact majeur sur Chypre mais la proximité de l'île, ses faibles capacités de défense et sa qualité de membre de l'Union européenne (qui signifie qu'un immigré illégal mettant le pied à Chypre peut atteindre facilement l'Allemagne ou la France) rendent le pays extrêmement vulnérable. Les 2,2 millions de personnes ayant fui la Syrie depuis 2011 ont jusqu'à présent évité Chypre pour lui préférer (par ordre décroissant) le Liban, la Jordanie, la Turquie, l'Égypte et l'Irak. Mais cela pourrait changer rapidement si les Alaouites vivant très près de Chypre prennent la mer en assez grand nombre ou si Ankara encourage les Syriens à émigrer vers le Nord de Chypre pour ensuite passer discrètement la frontière et s'introduire en république chypriote.
Contrairement à son voisin Israël qui est également encerclé, Chypre manque aussi bien d'effectifs militaires que de barrières de protection : les forces armées turques comptent 700.000 hommes, un chiffre qui avoisine celui de l'ensemble de la population de la République de Chypre, soit 850.000. En d'autres termes, la population turque est près de 100 fois supérieure à celle de Chypre. Toutefois Nicosie peut nouer des alliances, particulièrement avec Israël, en vue de renforcer sa sécurité. En retour Israël gagnerait, par des opérations gazières communes, une profondeur stratégique pour sa force aérienne et un allié diplomatique. Comme me disait un assistant du président chypriote Nicos Anastasiades, « Nous sommes l'ambassadeur d'Israël dans l'Union européenne. »
Jusque là, tout va bien. Mais la marine américaine en Mer Méditerranée a été réduite à un point tel que selon Seth Cropsey, un ancien responsable de la marine, la 6ème flotte se limite à un navire de commandement en Italie et quelques destroyers de missiles balistiques en Espagne. Cette force doit de toute urgence être réactivée afin de soutenir les alliés des États-Unis au Levant au moment où des tensions sont ravivées dans leur voisinage immédiat.
Iran: le guide qui pèse 95 milliards de dollars
Delphine Minoui
Le Figaro, 13 Novembre 2013
L’ayatollah Ali Khamenei est à la tête d’une puissante organisation économique qui lui permet d’asseoir son pouvoir, montre une enquête de l’agence Reuters. Présent dans le pétrole, l’immobilier ou la finance, la «Setad» a aussi le monopole de la saisie des biens des exilés.
C’est un empire économique colossal. Un empire dirigé par un seul homme, Ali Khamenei, le guide suprême de la révolution, et numéro un du régime iranien. Son nom, «Setad», le diminutif de Setad Ejraiye Farmane Hazrate Emam («centre d’exécution des ordres de l’imam»), est peu connu du public occidental. Pourtant, selon une enquête inédite publiée par l’agence Reuters, cette puissante organisation est l’une des clefs de la longévité au pouvoir du puissant ayatollah au turban noir et à la barbe grise.
Les auteurs du dossier, qui ont passé six mois à tenter de percer le mystère «Setad», estiment sa valeur à environ 95 milliards de dollars (environ 71 milliards d’euros) – une somme supérieure aux revenus pétroliers annuels du pays! Et pour cause: elle est présente dans pratiquement tous les secteurs de l’économie nationale. Finance, pétrole, télécommunications, aucun domaine ne lui échappe. Le tout, dans des conditions particulièrement opaques.
«L’organisation donne à Ali Khamenei, au pouvoir depuis vingt-quatre ans, les moyens financiers d’opérer indépendamment du Parlement et du budget national, ce qui le protège des complexes luttes de pouvoir qui agitent en interne la République islamique», observe Reuters dans son étude. Rien ne prouve, en revanche, que le guide suprême puise dans ces fonds pour s’enrichir personnellement.
Biens réquisitionnés
Dans les milieux populaires iraniens, la Setad est surtout connue pour ses activités caritatives. À l’instar des nombreuses fondations religieuses du pays, elle fait construire des écoles, des cliniques, et développe des projets d’accès à l’eau et à l’électricité dans certains villages reculés. Mais ce n’est qu’une facette de cette organisation qui s’est imposée au fil des années dans des secteurs aussi fructueux que l’immobilier ou l’investissement.
Il faut remonter à la révolution de 1979 pour mieux saisir le rôle de la Setad dans le paysage à la fois social, politique et économique du pays. À la chute du chah, suivie par le retour au pays de l’ayatollah Ruhollah Khomeyni, le fondateur de la République islamique, de nombreuses familles fortunées quittent le pays. Certaines choisissent l’exil pour des raisons politiques. D’autres préfèrent s’installer temporairement à l’étranger pour fuir la guerre Iran-Irak (1980-1988). En plein chaos postrévolutionnaire, leurs villas sont saisies. Des centaines, voire des milliers de bâtiments et de terrains sont réquisitionnés. En 1989, peu avant sa mort, l’ayatollah Ruhollah Khomeyni décide de créer une entité, la Setad, pour gérer cette manne immobilière, dont le fruit de la vente est censé profiter aux couches défavorisées.
Or, à ce jour, les pouvoirs de la Setad dépassent de loin ses prérogatives d’origine. D’après Reuters, elle détient, sur ordre de justice, un vrai monopole sur la saisie de propriétés au nom du guide suprême, qu’elle met ensuite en vente aux enchères. Ainsi, pour le seul mois de mai 2013, l’agence de presse a pu dénombrer près de 300 biens mis aux enchères par l’organisation, pour des millions de dollars. Des méthodes que certains n’hésitent pas à taxer de «racket immobilier», caché sous des prétextes «moraux» et «religieux». «Les gens qui s’occupent de la demande de confiscation se présentent comme étant du côté de la République islamique, et essayent de dépeindre la personne dont ils veulent récupérer les biens comme une mauvaise personne, quelqu’un qui est contre la révolution, quelqu’un lié à l’ancien régime», observe l’avocat Hossein Raeesi, dans une interview accordée à Reuters.
Les activités de la Setadvont même plus loin. Bien souvent, elle s’octroie le droit de prélever de l’argent auprès des propriétaires qui tentent de récupérer ou de vendre leurs biens d’origine. Témoin, cet homme d’affaires iranien aujourd’hui installé à l’étranger, qui a confié à Reuters son parcours du combattant de deux ans pour vendre un terrain appartenant à sa famille. D’abord, l’obligation de décrocher une lettre de «non-objection» de la Setad.
Ensuite, l’indispensable bakchich de quelques centaines de dollars à donner aux fonctionnaires pour activer la procédure. Puis, cette demande de commission formulée directement par l’organisation, au nom de la «protection» de la parcelle de terre pendant des décades… Parmi les propriétés saisies par la Setad, figurent également celles de la communauté bahaïe, une minorité religieuse persécutée dans le pays. D’après le bureau international bahaï auprès des Nations unies, la Setad occupe 73 propriétés appartenant à ses membres, et ce depuis 2003. La valeur de ces biens est estimée à onze millions de dollars.
En parallèle, la riche organisation s’intéresse à d’autres secteurs. Outre l’immobilier – qui représente selon Reuters 52 milliards de dollars – elle possède aujourd’hui des parts dans des dizaines d’entreprises publiques ou privées, pour un montant qui s’élèverait à 43 milliards de dollars. Soit un total de 95 milliards de dollars, dépassant d’environ 40% les exportations pétrolières de l’Iran en 2012.
Interrogé par Le Figaro, l’économiste et spécialiste de l’Iran, Thierry Coville, y voit le signe d’une certaine «modernisation» de l’Iran, que l’on retrouve également dans le fonctionnement des nombreuses fondations religieuses, tentées elles aussi par le capitalisme. «Ces fondations veulent aujourd’hui jouer le jeu de l’économie de marché en spéculant, en rachetant des entreprises… Elles tentent d’être compétitives», remarque-t-il. Et de citer l’exemple de la banque privée Sina, l’ex-institution financière de la «Fondation des Déshérités» qui propose aujourd’hui des services bancaires en ligne, y compris à l’aéroport international de Téhéran. Reste que bien souvent, précise-t-il, ce genre de privatisations ne sort pas de certains cercles, comme l’entourage du guide, ou les gardiens de la révolution…
«Imaginez une propriété ou un terrain sans héritier (…) Il faut bien que ces biens soient gérés. Si l’absence de propriétaire est confirmée par le tribunal, alors le bien est remis à la Setad.»
Par ailleurs, si le logo de la Fondation des Déshérités apparaît souvent lors de ses opérations de spéculation, celui de l’organisation Setad est souvent dissimulé. Une opacité que mettent en cause certains observateurs, et qui soulève certaines interrogations quant à l’utilisation et à la distribution des fonds récoltés. Ainsi, d’après un ex-employé de l’organisation, cité par Reuters sous couvert de l’anonymat, une part des revenus servirait à financer la très fermée Beit-é Rahbar (Maison du guide). «Pour diriger le pays, Khamenei emploie environ 500 personnes dans ses bureaux administratifs, la plupart étant recrutées au sein de l’armée et des services de sécurité», remarquent les auteurs de l’enquête.
Dans son rapport, Reuters évoque également une série de décrets bureaucratiques, de décisions judiciaires ou constitutionnelles qui ont renforcé les prérogatives de la Setad au cours des dernières années. «Aucun organe de supervision ne peut remettre en cause ses biens», déclare à Reuters Naghi Mahmoudi, un avocat iranien ayant quitté l’Iran en 2010 et résidant aujourd’hui en Allemagne.
C’est en partie ce manque de transparence qui, l’année dernière, a commencé à titiller les Occidentaux, alors en plein bras de fer avec Téhéran au sujet de son programme nucléaire. Et qui a poussé, en juin dernier, le département américain du Trésor à imposer des sanctions contre la Setad et certains de ses holdings, en qualifiant l’organisation de «vaste réseau de sociétés écrans masquant des actifs pour le compte (…) des dirigeants iraniens». Alors que la récente victoire du modéré Hassan Rohani à la présidentielle a rouvert la voie à de nouvelles – mais délicates – négociations sur l’enrichissement d’uranium, visant à alléger le poids des sanctions, Téhéran n’a pas encore réagi à l’enquête de Reuters. Sollicités par l’agence de presse, les services de la présidence et le ministère iranien des Affaires étrangères ont préféré ne pas commenter son contenu.